Lucide, de Soraya Doye


Quand Alter Real m’a proposé de lire ses romans, j’ai choisi sa nouvelle sortie young adult, car la couverture était magnifique et son résumé, prometteur.



Alaya vient d’avoir 18 ans quand elle se rend compte qu’elle est une Lucide, c’est-à-dire une personne capable d’accéder, dans ses rêves, à une autre dimension appelée Lucidité.
Cette découverte s’accompagne de la rencontre d’autres Lucides, mais aussi des redoutables Quartz qui en veulent aux pouvoirs de ces derniers.




Lucide est un roman plein d’actions et de rebondissements qui tiendra ses lecteurs en haleine. Dès lors qu’Alaya fête son anniversaire et découvre cette nouvelle dimension, elle tombe d’ennuis en tracas, mais fait aussi de nouvelles rencontres, à commencer par elle-même.

Pendant une semaine environ, et alors qu’elle doit passer son bac, elle découvre tout un nouvel univers, grâce à l’aide de Thomas. Elle s’aperçoit qu’elle appartient depuis toujours à une communauté, celle des Lucides, dont faisait également partie sa mère défunte. Ainsi, en apprenant à vivre avec ses pouvoirs, plus nombreux qu’ils n’en ont l’air, elle se rapproche de sa mère, dont elle n’est jamais vraiment parvenue à faire le deuil.

En découvrant ce qu’elle est véritablement, Alaya se trouve tomber de Charybde en Sylla. Les Quartz sont, dans le roman, de plus en plus redoutables et les traîtres ne manquent pas. Alaya et ses amis, anciens comme nouveaux, doivent donc repousser les attaques.

Ces péripéties vont aussi mettre à l’épreuve ses relations avec ses amis de toujours, Ethan et Maya, qu’elle considère comme sa famille. Les lecteurs apprécieront ainsi de voir les relations entre Maya, Ethan et son nouvel ami Thomas, évoluer d’une façon un peu différente des fracas passionnels auxquels ils assistent régulièrement dans les romans fantastiques pour young adult.





Quant à moi, je me suis rapidement retrouvée bloquée, et lassée, par la maladresse de la narration et de l’écriture. L’histoire est prometteuse mais n’a pas été assez retravaillée et approfondie pour tenir ses promesses, ce que je trouve très regrettable.

Parmi ces maladresses, on retrouvera la construction de l’univers des Lucides. 
La Lucidité ressemble beaucoup à notre monde. L’éclairage y est différent ; les pouvoirs des Lucides s'y révèlent. On y retrouve également des dormeurs lambdas qui s’y promènent sans en être conscients. Alors quel avantage Alaya, et les autres, retirent-ils de la fréquentation de cet endroit, qui les distinguerait véritablement des autres rêveurs ? Ils y sont conscients, d’accord, et y ont des pouvoirs, mais dès lors qu’Alaya pose un pied en Lucidité, elle n’a pas le temps d’en découvrir les facettes positives qu’elle se voit déjà attaquée par ses ennemis, les Quartz. Dans ce cas, je ne me trouverais pas personnellement privilégiée d’accéder à un tel monde, même avec des pouvoirs, si ces derniers ne servent qu’à me défendre des attaques.
D’autre part, ce monde semble être celui des rêveurs. Là, cela me pose un vrai souci de réalisme, si je puis dire. La Lucidité, dans le roman, c’est Paris, autrement. Mais quand on rêve, on ne se promène pas dans un endroit réel ; ça arrive, mais le plus généralement, et c’est mon cas, l’univers que je parcours est une création de mon imagination.

Les ennemis, les Quartz, sont affiliés au gouvernement en cours de route, comme un cheveu sur la soupe, et sans qu’il y ait davantage de précisions : quelle section du gouvernement ? Selon quelles compétences ? Quant à leurs motivations, elles finissent par être dévoilées en long en large et en travers, à la manière des discours interminables de méchants prétentieux. Mais voilà : on passe d’une cupidité envers un simple talisman à l’appropriation des pouvoirs des Éternels et à la volonté d’acquérir le territoire de Lucidité, mais aucun lien n’est vraiment fait entre ses trois objectifs et tous ne sont pas traités jusqu’au bout. Par exemple, si le talisman occupe une bonne partie de l’histoire, dans les aspirations des Quartz, l’intérêt de ces derniers pour le bijou disparaît de la narration, à la fin de l’histoire.



Concernant la narration proprement dite, je trouve que la découverte, et surtout la maîtrise des pouvoirs d’Alaya, ont lieu trop rapidement : en quelques jours seulement. Ses pouvoirs se multiplient sans qu’on y voie une véritable cohérence avec ce qu’elle est, et ce n’est pas les quelques références à des techniques de yogi ou de sophrologues qui vont rendre crédibles son apprentissage qui se fait à la vitesse d’une chanson de Rocky ou d’une séquence initiatique à la Karaté kid.
A côté de cela, il y a de nombreuses incohérences. Tantôt, on peut maîtriser ses émotions en Lucidité, tantôt ce n’est plus possible. Etrangement, la découverte de la Lucidité commence par une durée de sommeil anormalement longue et Alaya ne se souvient pas où elle va, alors qu’une fois établi qu’elle est Lucide, on comprend que son sommeil en est raccourci et qu’elle se rend en Lucidité. Que dire alors de cette période transitoire de son anniversaire : pourquoi dort-elle si longtemps ? Où se rend-elle ? Ce n’est jamais explicité.
Ce qui conduit à des incohérences ou à un flou « artistique », c’est que des informations essentielles à la compréhension sont données trop tard. Ainsi, j’ai compris seulement à la page 50 que l’histoire avait lieu à Paris. Je l’avais inconsciemment située en campagne ; je n’ai jamais réussi à m’adapter à cette information. Peut-être se trouvait-elle précisée avant. En tous les cas, elle est passée inaperçue à la lectrice que je suis. Je ne vais pas m’étendre sur ce sujet, mais j’ai relevé un paquet d’autres maladresses de ce genre qui ont des conséquences plus ou moins désastreuses sur la compréhension.
D’un autre côté, l’autrice martèle certaines informations dont on se passerait bien : le petit geste échangé entre Ethan et Alaya est systématiquement, et lourdement, rappelé et commenté ; les sentiments d’Alaya également. 
Cette lourdeur dans la description des sentiments vient sans doute que l’autrice s’est racontée à elle-même l’histoire ; il s’agissait d’expliciter, pour elle-même, les sentiments de son personnage. Le hic, c’est que ces phrases qui tournaient autour du pot pour trouver l’expression juste, la réalité du ressenti, n’aient pas disparu à la correction.

J’ajouterais à cela quelques soucis orthographiques, pas bien insurmontables mais un peu plus présents au fur et à mesure qu’on approche de la fin du roman et surtout, surtout, une utilisation malhabile de la ponctuation, en particulier de la virgule, au sein des phrases complexes.


Voilà. Si vous êtes un lecteur ou une lectrice peu exigeant sur la forme, que ce soit la langue ou les qualités narratives, et qui se contente d’un univers évocateur mais pas bien abouti ou très approfondi, si vous vous laissez emporter par les multiples rebondissements et surprises que réserve l’histoire, Lucide devrait vous être agréable. Pour ma part, tous ces petits défauts mis bout à bout ont fait de plus en plus obstacle au plaisir de la lecture.




Commentaires

Je ne connais pas du tout !
Bonne soirée et belles lectures !

Les articles que vous avez le plus appréciés cette semaine