En dedans


 Ça bouillonne en dedans. Bon sang, mais fais ! Faire quoi ? Je ne sais pas. Là est la grande question. Je sens l’urgence qui oppresse, ce désir qui étouffe et je ne sais pas quel besoin s’exprime, dans quel sens me tourner. Ce qu’il peut être frustrant, de sentir confusément quelque chose qui sourde, à l’intérieur et de ne savoir qu’en faire, comme s’il s’agissait d’un énième bibelot inutile, posé sur un coin de table, qui attend de trouver une fonction, une place et qui invariablement attire le regard.
 Des années que je ressens cet impératif essentiel en moi. Des années que je m’interroge sur sa nature. Des années que j’ignore comment m’y prendre pour faire sortir ce qui couve.
 Je papillonne d’un sujet à l’autre, me dit-on. Oui, je le crois aussi : tout m’intéresse, un moment, puis cela me passe, comme une lubie que j’aurais adoptée de quelqu’un d’autre, un élan emprunté et qui s’épuise, faute d’être venu de moi. 
 Combien de curiosités ai-je eues ? Dans combien de projets me suis-je lancée, à cœur perdu, et que j’ai laissés sur le carreau, inertes ? Parce que l’étincelle avait faibli, aussitôt émise ; parce qu’une autre étincelle avait brillé un peu plus fort que la première. 
 A m’écouter un peu, j’ai le vertige. Je rêverais d’écrire un roman, de savoir dessiner, chanter, composer. J’ai commencé le piano, la psycho, le yoga, entamé des relations puis ai arrêté. Des projets se bousculés, reviennent par intermittence, attendent sagement leur heure, un peu inquiets de pouvoir un jour sortir de leur boîte, de rester à l’état d’embryons, prometteurs mais incomplets. Ils vivent en moi, m’exaltent sur le moment, imprègnent ma journée d’un voile invisible aux autres, mais qui la rend plus sublime, puis le rideau se baisse, ils rejoignent l’arrière-plan.

 Les projets, c’est la vie, et la curiosité, la graine qui pousse à s’épanouir, asséné-je parfois. Belle sagesse à faire entendre, mais qu’en est-il de cette énergie qui se gâche d’avorter sans cesse ? Je peux bien poser un regard bienveillant et amusé sur les élans des autres, j’écoute à peine les miens. Je suis une enfant ; cela me passera bien, me dis-je. 

 Il semblerait bien que j’occupe trop mon temps à interroger mes motivations, mes engagements, à écouter l’instance moralisatrice construire les barreaux de ma prison. As-tu perdu ta spontanéité, petite fille ? Les choix que tu as faits t’ont-ils si effrayée que tu ne veuilles plus t’y risquer ? Observer t’ennuie, mais agir te paralyse. Où t’es-tu donc abandonnée ? Quand t’es-tu lâché la main ? 

Commentaires

Unknown a dit…
Bonjour,
j'ai repris l'écriture quand ma fille avait 2 ans 1/2 parce que je lui lisais des histoires le soir. Je lui en ai inventé... On était en 2013, et depuis, j'ai écrit des poèmes, gagné des concours, publié un recueil, puis des nouvelles, mon premier roman, Chicago Requiem, et des albums jeunesse. On était en 2013. Je commence toujours plus de projets que j'en finis. Je suis bibliovore et mes journées ne font que 24 h. Mais je me suis fait confiance quand j'ai été maman,sans m'en rendre compte et sans le chercher, après dix ans passés sans écrire.
"Ne t'arrête pas à l'instant présent, l'avenir t'offre beaucoup plus."
Bon dimanche !
Mira a dit…
Chère Carine, je suis contente d'apprendre qu'on finit un jour par se lancer et qu'ensuite, on ne finit plus d'avancer : ça me redonne du courage.
Pour ma part, je devrai faire sans la confiance qu'apporte la maternité, car la mienne est contrariée ; je pense d'ailleurs que cela joue sur mon manque de confiance en moi...
En tout cas, merci pour ton message : je vais m'accrocher. :-)

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