La meilleure chose qui puisse arriver à un homme, c'est de se perdre, d'Alain Gillot
Pendant ma lecture, puis en refermant mon livre, je me suis dit : Ouhlà ! Je vais être bien en peine de faire une chronique ! Mais pourquoi ?
Revenons un peu en arrière.
Quand Babelio m'a proposé de lire La meilleure chose qui puisse arriver à un homme, c'est de se perdre, de Alain Gillot, j'ai posé ma candidature. Le résumé évoquait une histoire d'amour buissonnière entre un homme d'une quarantaine d'années et une jeune femme. Or, c'est une thématique qui me taraude en ce moment : les histoires d'amour qui, plus fortes que sa propre volonté, entraînent une rupture du quotidien. Je suis intriguée parce que ce n'est pas ma vision de l'amour. Je sais qu'on réinterprète toujours ses valeurs et ses motivations à l'aune de ses actions, pour justifier et accepter ces dernières, et c'est peut-être mon cas. Toutefois, je suis plutôt contre la passion prônée par la société actuelle. J'ai expérimenté la douleur et la confusion de la passion, la solitude d'un amour à sens unique et je n'ai pas le tempérament qui va avec ça. Même si j'aime voir et lire ce genre d'histoires, j'apprécie ce que j'ai construit avec mon mari, qui me semble plus durable et plus solide, et qui a servi de tremplin à mon épanouissement dans nombre de domaines. Alors, je cherche à comprendre ce que d'autres recherchent dans le coup de foudre.
Et voilà que j'ouvre le livre. Le monde du cinéma m'accueille sous l'angle des scénaristes. J'aime assez cet aspect que je connais mal. Antoine réécrit les scénarios des autres car il sait faire et que cela lui offre escapades et longues plages récréatives. Il est en couple mais ce dernier révèle déjà ses limites, ou peut-être est-ce Antoine qui ne peut pas offrir plus...
Alors qu'il organise tranquillement sa vie entre matches de tennis, conduite sportive et lecture de l'Equipe, esquivant souplement toute forme de contraintes et d'investissements, il croise la route d'Emma, ou plutôt celle-ci déboule dans sa vie et le giffle.
C'est le réveil.
Dès lors, Antoine prendra des décisions qu'il ne comprend pas mais qui l'entraîneront dans le sillage d'Emma.
Durant les deux-tiers du livre, je me suis méfié. J'ai beaucoup tiqué : Arf ! Encore une simple histoire d'amour ! Arf ! Encore un vieux qui est époustouflé par une jeunesse, exalté par sa grâce (Comprenez sa beauté) et sa vivacité (Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait...). Encore une rencontre qui autorise le personnage principal à s'imaginer fabriquer un couple à grand écart d'âges (Vous aurez compris que je ne suis pas particulièrement enthousiasmée par cette perspective.) Arf ! Encore des ressorts classiques d'intrigue romanesque, les retards qui permettent de rester ensemble, les rivaux, les départs en avion ! Arf ! Une galerie de personnages plus loufoques les uns que les autres, sorte de jalons posés sur le chemin de l'émancipation !
Puis, un basculement s'opère sur la terrasse d'un toit d'hôtel. Et là, je sens que je pourrai retirer, peut-être, quelque chose de cette lecture.
Jusque-là, je me concentrais sur l'incohérence du personnage d'Emma, trop jeune selon moi, pour présenter une si grande maturité. Je me concentrais sur le parcours d'Antoine, qui additionnait sans raison apparente, les décisions irréfléchies et des loisirs qui ne m'intéressaient guère.
Mais voilà qu'Emma joue vraiment le rôle que veut lui donner Antoine : telle un guide, elle le questionne sur ses valeurs et l'amène à fouiller dans son passé.
Et je comprends que si je ne trouvais pas jusque-là de cohérence dans le parcours d'Antoine et dans son attraction pour Emma, c'était parce que le personnage lui-même n'y comprenait rien !
Or, dans le dernier tiers du livre, la quête d'Antoine, pour se trouver lui-même, se fait plus active. Plus d'excuses, plus d'esquives (de toute façon, ni Emma ni les autres personnages qu'il rencontre, ne le lui permettraient!). Il associe les pièces les unes aux autres et fonde de nouvelles valeurs qui l'autorisent à affronter le monde qu'il fuyait jusque-là. Bien sûr, les épreuves qu'il subit ressemblent à une initiation de conte ou d'un roman "feelgood", mais j'ai apprécié renouer avec ma lecture et avec le personnage ; j'ai apprécié trouver un sens plus profond qu'une simple histoire d'amour.
Je vous laisse avec ça ; faites-en ce que vous voulez. 😅
Sachez seulement que la lecture de ce livre m'a demandé un peu de persévérance et que même après cela, je m'interroge encore : ai-je aimé ma lecture ? Je ne l'ai pas détestée ; j'ai même pris du bon temps : la narration était fluide, la lecture aussi. Mais j'hésite encore sur la qualité de l'intrigue : finesse d'un roman initiatique déguisé en histoire d'amour ? Ou maladresse d'un livre qui ne dit pas tout de suite ce qu'il est ? Je ne sais pas.
Commentaires
Ta chronique est vraiment top. Bravo.
Crédits illustration : Ophelie Dhayere (Agence Marie Bastille)