Timeville


C’est en faisant un tour dans ma médiathèque que j’ai trouvé Timeville. La boule à neige représentée sur sa couverture a aussitôt attiré mon attention. Je me suis déjà laissée prendre au piège de telles couvertures : Une vie ailleurs de Gabrielle Zevin, Le village évanoui de Bernard Quiriny ou encore Dôme de Stephen King (que je n’ai finalement pas encore entamé…).
Je pense que cette bulle qui emprisonne une maison, un village, un pays et ses habitants représente un symbole qui me parle : l’enfermement, la vie en communauté, l’utopie ou la dystopie que cela implique.
Sur cette attrayante couverture, d’autres promesses me sont faites : il y aura une famille (Je vois 4 ombres dans la boule à neige), dont on va suivre la vie quotidienne (une maison typique de banlieue Américaine) dans les années 80 (bandana, minitel, une cassette, un rubik’s cube…). Sur la 4ème de couverture, on nous informe que Tim Sliders est un scénariste et écrivain Franco-Américain très connu (Mais qui donc ??!! J’aurais bien aimé le savoir !) Je m’attends à une comédie familiale légère, une sorte de Retour vers le Futur Français à l’époque de mon enfance : les années 80.
Tout cela me plaît bien.

Me voilà donc de retour avec ce livre sous le bras. Le temps de finir un autre livre et je m’y mets. Et je le laisse. Je m’y remets. Et je l’abandonne sur ma table de chevet. Je suis même obligée d’aller prolonger mon emprunt à la médiathèque pour le finir : du jamais vu !

  L’intrigue est plutôt bien orchestrée. Un peu à la manière d’un scénario de comédie familiale, je dirais. L’auteur nous présente en alternance les points de vue de différents personnages. Cela commence comme sous l’effet d’un zoom au début d’un film : vous savez ? La planète Terre vue de l’espace, puis la caméra plonge sur un continent, une ville, on nous fait survoler les maisons puis on s’arrête sur l’une d’entre elles. Dans le livre, ce sont les performances d’un skieur qui nous sont présentées, puis les activités illicites de deux voleurs de petite envergure, Pierrot et Willy dans la maison de la famille qui nous intéresse en réalité : la famille Cartier. Au chapitre suivant enfin, après un effet de retard maîtrisé mais pas particulièrement innovant, tadam ! David Cartier en personne. Et c’est parti !
Se succèderont ainsi les tranches de vie de David, le père, d’Anna, la mère, d’Agathe, l’adolescente et du petit Tom. Les cambrioleurs ne seront pas en reste, puisqu’ils se sont incrustés pendant le voyage de la maisonnée de 2012 en 1980. Le lecteur suivra aussi le parcours de quelques personnages un peu inquiétants : Vincent Quaid, le voisin un brin déséquilibré et l’inquiétant chef du gang des Postiches.
Tous les âges sont représentés (enfance, adolescence, âge adulte), ainsi que différentes personnalités (le séducteur conquérant, l’adolescente fonceuse, la femme indépendante, l’arriviste…) et différentes problématiques : comment reconquérir la femme dont on est sur le point de divorcer ? comment gérer son ex et son nouveau soupirant ? comment repartir de zéro en 1980 quand on était au sommet de sa carrière en 2012 ? comment s’illustrer dans la chanson ou dans l’art du cambriolage ? Toute cette palette doit bien pouvoir attirer l’attention du lecteur sous un angle ou sous un autre, non ?

 Et bien oui, mais en partie seulement. Car il y a quand même quelques lacunes.

 D’abord, le personnage principal, David Cartier n’est pas très sympathique : il est imbu de lui-même, égoïste et superficiel. J’ai éprouvé peu d’intérêt pour son devenir.
Sa femme, Anna, n’a rien de particulier. Bien qu’elle soit une chirurgienne de renom et qu’elle ait apparemment un physique séduisant, elle n’a pas une personnalité bien marquée. Elle est avant tout la mère de famille et l’épouse de David.
Tom, le cadet, présente également peu d’intérêt : trop petit et il s’adapte bien, lui !
Seule Agathe tire son épingle du jeu. Son côté fonceur, qui ne recule devant rien, m’a plu : c’est une image plutôt positive de l’adolescence, qui prend des risques mais sans penser à mal et sans véritable perversité. Elle se sert de sa connaissance du futur pour se faire une place au lycée. Et elle n’hésite pas à sortir avec la version jeune du père de son copain de 2012. Je l’ai trouvée assez amusante. Elle, elle bouscule les règles ; elle tente quelque chose, alors que ses parents ne font véritablement que se débattre avec la situation.

Ensuite, le traitement de l’espace est problématique.
Le flou artistique qui aurait pu auréoler Timeville de mystère ressemble fort à un manque d’approfondissement. Son nom d’abord : un peu d’Anglais, un peu de Français, c’est classe mais le symbole, il est où ? On doit y voir un mélange d’influences Françaises et Américaines ? Mais pourquoi ? De plus, cette ville des années 1980 est censée se trouver à Paris, plus ou moins à côté de l’ancien quartier des parents. Apparemment, David s’y sent prisonnier mais Anna, pas suffisamment pour renoncer à un voyage aux Canaries. Hum.
D’ailleurs, où est-on ? En France ou en Amérique ? Car, en tant que lectrice, je ne suis pas parvenue à me représenter la banlieue où vit la famille Cartier, comme une banlieue Française, mais plutôt comme une banlieue Américaine. Il me semble même que l’un des personnages fait référence à la banlieue qu’on voit dans le film de Tim Burton, Edward aux mains d’argent.
Et comment ça se fait que, dans un tel microcosme, la famille Cartier ait le privilège de croiser les Américains Michael J. Fox et Michael Jackson ? Bien sûr, les années 80 sont marquées par les Etats-Unis et la nostalgie de cette époque est beaucoup en rapport avec ce qu’on a vu à la télévision. Mais pour moi, ce mélange ne marche pas ; il n’est pas crédible, faute d’avoir été élaboré avec plus de dextérité.

Enfin, l’intrigue présente quelques trous : la vie des doubles de 1980 des parents est à peine évoquée et d’ailleurs, elle n’a pas particulièrement été utilisée comme ressort d’intrigue ; on ne sait pas ce que deviennent certains personnages secondaires, alors que c’est plus ou moins dans les codes de la comédie familiale que de nous donner une fin (heureuse) à toutes les vies que le lecteur a croisées, même secondaires.
Côté psychologie, cela laisse aussi à désirer, notamment la façon dont est traitée l’évolution de David Cartier. Comment ce personnage égocentrique parvient-il à se sortir le doigt du nombril pour s’apercevoir enfin qu’il doit reconstruire des liens avec sa famille ? Cela reste mystérieux. L’auteur a tenté de diluer ce revirement dans la narration mais sans parvenir à lui donner de la profondeur et de l’authenticité.


Pour conclure, j’ai passé un moment sympathique mais je pense qu’il aurait mieux valu présenter cette intrigue à l’écran que sur papier !


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