L'Ecole noire, de Rin Fujiki



Quand j'ai vu que ce tome - et les suivants (C'est une saga !)-, avait pour sujet des enquêtes paranormales au Vatican, j'ai voulu le lire de suite ! Bah oui ! Un peu de fantastique, une promesse d'exorcisme, de messes noires dans un contexte chrétien, pour ajouter un peu de mysticisme, forcément, j'étais emballée !


Les pères Hiraga et Nicholas sont des enquêteurs, chargés par le Vatican, d'authentifier les miracles qui ont lieu à travers le monde. La première mission, à laquelle nous assistons, s'annonce d'ores et déjà périlleuse, car, en enquêtant sur une grossesse virginale à l'abbaye Saint Rosario, en Amérique, ils pourraient bien risquer leurs vies.


Quelle déception ! En parcourant les premières centaines de pages, j'ai levé plusieurs fois les yeux au ciel. 

D'abord, je m'ennuyais sec : la mise en place de l'intrigue était longuette et fastidieuse pour la lectrice européenne que je suis. En effet, Rin Fujiki prend son temps pour installer quelques repères culturels concernant la religion chrétienne. En allant jeter un oeil à la critique de Tomabooks, j'ai découvert que les Japonais connaissent très peu la religion chrétienne, à la différence des Européens, qui, sans être forcément croyants, baignent dedans depuis leur naissance. Ainsi, plusieurs informations m'ont semblé évidentes et donc casse-pieds à lire

Ensuite et surtout, la langue employée m'a fait dresser les cheveux sur la tête. Mon Dieu comme la langue française a été torturée dans cet ouvrage ! Le vocabulaire utilisé dans le récit est un joyeux mélange de langages soutenu et familier, voire argotique. Ainsi, j'ai découvert qu'on pouvait joyeusement "zieuter" son voisin, au lieu de le "regarder". La syntaxe est alambiquée : les phrases sont longues et difficiles à comprendre. La grammaire pose de sérieux soucis : les pronoms démonstratifs, emphatiques dans la langue française, sont trop présents ; certains pronoms possessifs ou pronoms de rappel ne renvoient à aucun personnage ; et la concordance des temps !!! J'en suis retournée à ma grammaire pour vérifier si le traducteur et moi parlions bien la même langue. 

En allant glaner quelques infos, chez Tomabooks toujours, j'apprends que ce roman appartient au genre de la Light Novel, un roman distrayant à destination des lycéens et des étudiants. En effet, la langue Japonaise s'écrit en kanjis, des symboles à la lecture difficile, dont les jeunes Japonais apprennent les différents sens durant leur scolarité. Aussi, le vocabulaire utilisé dans les Light Novel est limité à celui qui est le mieux connu des jeunes gens. On peut donc imaginer que, pour des raisons pratiques, les niveaux de langue y soient mélangés. Le traducteur aura, selon moi, voulu respecter les niveaux de langue du texte d'origine. Malheureusement, la langue française supporte mal les mélanges de registre, dans les récits.

De la même façon, je me suis imaginé que les démonstratifs étaient sans doute davantage répandus dans la langue japonaise et que probablement, l'utilisation des temps y était différente de la langue française. 

Mais voilà, une bonne traduction doit tenir compte des intentions du texte d'origine, savoir en retranscrire le style, dans la mesure où cela n'entrave pas le sens de la traduction et où cela respecte les normes linguistiques de la langue d'arrivée. Et c'est là, la grande difficulté ! 

Je pense qu'il aurait par ailleurs été judicieux d'indiquer ces quelques informations que Tomabooks possédait et que je suis allée chercher : le manque de connaissance des Japonais concernant la religion chrétienne et le principe des Light Novels. Cela m'aurait rendu bien plus bienveillante à l'égard du roman et aurait résolu bien des difficultés rencontrées durant ma lecture.

Heureusement, une fois les cent premières pages passées, les choses se sont améliorées. 

Le jeune Sébastien est entré en scène. La narration à la première personne m'a permis de m'identifier au personnage. Je suis donc entrée dans cette étrange école, abritée par l'abbaye de Saint-Rosario. J'ai suivi les pas du jeune homme, dans sa découverte des rituels à respecter pour être intégré. 

Parallèlement, j'ai découvert la communauté d'un point de vue extérieur, avec l'arrivée des deux enquêteurs. Les drames s'accumulent, les mystères aussi. Certaines scènes frappent l'esprit, car elles sont très visuelles. D'autres jouent sur l'imagination en flattant nos fantasmes ; on y évoque stigmates, possession démoniaque, pouvoirs surnaturels, fantômes, résurrection... Les rebondissements sont nombreux et peu à peu, les enjeux prennent de l'ampleur, de manière tout à fait inattendue. J'en reste comme deux ronds de flan ! Moi, qui soupire un peu devant les explications ultra détaillées et un peu longuettes sur tel ou tel personnage ou évènement historique, me voilà servie, mais dans le bon sens, cette fois ! C'est fou, comme cette école regorge de surprises !

Cependant, la résolution de l'enquête m'a déçue. Je l'ai trouvée trop simple pour avoir réclamé autant de tours de magie de la part du Super Enquêteur Super Intelligent Hiraga. 

Un autre point qui m'a refroidi est le duo de prêtres. Le Japonais Hiraga apparaît comme une sorte de super ordinateur humain. L'auteur vante sa grande intelligence, son immense culture et son grand sens de la déduction. Mais voilà, la plupart de ses tours m'ont laissée froide, un peu comme s'il s'agissait d'un magicien qui ne pouvait s'empêcher de dévoiler ses tours, à cause de son amateurisme. Son acolyte, le père Nicholas, qui est un peu le faire-valoir d'Hiraga, apparaît dès lors comme un grand naïf, un peu niais. 

En fait, ce roman a le défaut des qualités des mangas que j'ai pu lire ou voir. Je m'explique : dans un manga d'enquête, ou de résolution d'énigmes (Détective Conan, par exemple), un personnage froid, très intelligent, démontre son intelligence pointue en donnant des explications ultra précises. Par ailleurs, le manga classique met l'accent sur les expressions et le comportement des personnages, par de nombreux gros plans. On a tout cela dans L'Ecole noire, qui accentue les traits de ses personnages de manière outrancière.


J'ai donc été d'autant plus déçue par ma lecture que j'attendais d'elle qu'elle se lise toute seule, qu'elle soit parsemée de moments effrayants comme merveilleux, qui m'aident à m'évader. Compte-tenu de la chronique élogieuse de Tomabooks, ça a marché avec lui. Cela marchera donc peut-être avec vous, pourvu que vous ne soyez pas aussi sensibles à la langue que moi !


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