Le Maître des Limbes, d'Olivier Bal




Quelle claque ! A regretter de n’avoir pas lu avant Les Limbes, qui le précède...



Difficile de résumer un pareil livre...
Une catastrophe a eu lieu en 2008, engageant des adolescents, dont nous n'avons pas toutes les identités.
On suit Gabriel, dont la narcolepsie le tient à l'écart de toute vie sociale, James Hawkins, qui tient un institut où il fait des expériences concernant le contrôle des rêves et, en 2028 , Lee, une journaliste, qui vit au moment d'une terrible épidémie qui frappe les enfants.
Le tout va être de rassembler toutes ces bribes de vie pour comprendre enfin ce qu'il se passe...



Ce roman est vraiment impressionnant par son écriture et sa construction.
Il nous happe très rapidement grâce à une narration à la première personne, mais dont le narrateur n’est pas toujours le même ni de la même époque. Plusieurs questions planent tout au long du récit, se résolvant et se renouvelant sans cesse. Je me suis tellement laissé porter que je n’ai jamais rien vu venir. Il faut dire aussi que le récit est mené avec une redoutable intelligence. J’ai même pensé au motif de la spirale, bien présent dans l’histoire, pour en décrire la structure : une spirale qui évoluerait vers l’extérieur puis se refermerait sur elle-même. Cela donne à l’intrigue une construction rigoureuse tout en accentuant l’idée que les personnages se retrouvent pris au piège. Ainsi, la fin est terriblement haletante. Tout se retourne comme un gant, événements comme personnages.

Les scènes, surtout oniriques, sont particulièrement frappantes. Evocatrices par leur symbolisme, elles créent de nouvelles images, de nouvelles possibilités physiques et spatiales. Elles sont vraiment très inventives. Elles parlent aux lecteurs, tout en évoquant des combats moraux trépidants.


Jai vraiment beaucoup apprécié l’univers des Limbes, qui a tout de la cité perdue, utopique, mais emprunte aussi à l’idée du désert ou d’un univers miroir et désolé, peut-être d'un enfer. J’ai d’ailleurs plusieurs fois pensé aux images cauchemardesques de Stranger Things : les créatures d’abord et les endroits envahis de spores noirs et poussiéreux, ou encore au film Mirrors. Cet endroit suscite à la fois fascination et répulsion.

Les personnages ont une évolution intéressante. Il y a comme l’idée que fatalement, certains personnages sont amenés à prendre les décisions qui se révéleront les pires pour eux-mêmes et pour les autres. Essentiellement portée par les personnages masculins, l’ambition devient rapidement une source de perdition. On retrouve l’ubris des héros antiques. Tandis que de leur côté, les personnages féminins, semblent en être dépourvus : ils subissent mais ont l’espoir de trouver une sortie, car leur système de valeurs paraît les préserver.
Il y aussi, dans ce roman, les dérives de la science, poussée à outrance.
L’idée d’un personnage enfermé par son ambition, déshumanisé, voire monstrifié, trouverait son origine dans une grande solitude, associée à un fort sentiment de culpabilité qui impliquerait un vide, un ressenti d’absurdité et un recul face au sentiment humain. Le propos n’est pas bien positif, il faut le reconnaître. Cependant, il y a un fondement psychologique intéressant qui peut parler à la fois des mécanismes individuels et sociaux.


J’ai aimé suivre les pires salauds de l’histoire, comme les plus sympathiques, étourdie de constater par moments que j’avais mal jugé les uns ou que d’autres avaient changé. Portés par leurs désirs et leurs souffrances, ils sont très humains, donc forcément attachants.




Un excellent thriller qui suscite par la construction de son univers, celle de son intrigue, la création des personnages et les messages sous-jacents, mon admiration : un chef-d’œuvre.


Commentaires

Les articles que vous avez le plus appréciés cette semaine