Joyeux noël ! d'Alexandre Jardin





Joyeux Noël ! Lire ce court roman alors que je me prélasse au soleil, dans mon jardin. J’adore le contraste !


Sur un rocher breton, une famille fantaisiste cache bien des secrets qui minent ses membres et sa cohésion, jusqu’à ce que Norma, personnage de toute franchise, ose pour la première fois dire vrai.


Voilà encore un roman qui questionne sur les secrets de famille et les petites vérités que chacun accommode à sa sauce. On se raconte une version de son histoire et de ses actions, petit arrangement qui permet de donner un peu de vernis à sa vie et à celle de sa famille, de mettre sous le tapis et d’y oublier ce que sa conscience réprouve. Et comme chacun fait cela, d’abord pour lui-même, puis pour ses descendants, les petits arrangements deviennent l’Histoire de la famille, pesant parfois lourdement sur les générations à suivre.

Le personnage de Norma apparaît, pour cette raison, assez sain. Beaucoup de zones grises polluent le roman familial, créant de nombreux dégâts, des morts, des maladies, des désertions... En ouvrant la voie à la vérité, elle donne la possibilité de se purger des secrets enfouis des ascendants. Bien lui en fasse ! Entre mensonges, pratiques sexuelles déviantes, compromissions historiques, il était necessaire de faire peau neuve et de bazarder le tout.

Mais le phénomène enfle et emporte d’une même fièvre de franchise l’ensemble de la population de l’île. Comme toujours, dans les romans d’Alexandre Jardin, la plume va jusqu’au bout, faisant fi du politiquement correct, du moralement acceptable. Mais peut-on vraiment étaler en place publique tous les petits secrets des autres ? Car la franchise ne concerne pas que soi, ici, mais aussi ce qu’on sait des autres, exprimé avec sa propre vision des choses. Là, on frôle la délation, le jugement, le lavage de linge sale (des autres?!) en public. L’utopie est belle, d’autant plus possible qu’elle a lieu sur une île, dans une population restreinte. Mais si ses membres sont tentés plusieurs fois de faire machine arrière, ce n’est pas forcément par précaution, comme tente de le montrer le roman.

D’ailleurs, un personnage extérieur, garant de la précaution, pâtit du traitement du roman. C’est le flic, Loïc Kermeur. Il apparaît vite comme l’exact opposé de Norma, fasciné en même temps qu’apeuré par la franchise extrême de la jeune femme. Petit homme précautionneux qui tâche de se prémunir de la contagion, il présente l’intérêt, cependant, de porter un regard extérieur sur l’île et ses habitants. Quand le phénomène atteint toute l’île, c’est lui qui fait appel au bon sens : qu’en est-il de la vie privée ? De l’éthique d’un médecin ? Lynché de peu, il est écarté de l’affaire comme une mouche dont on se débarrasse et pourtant, je suis d’accord avec lui : tout ne se dit pas. On ne peut pas tout dire des secrets des autres. Je suis quelqu’un d’assez franc, mais cela concerne en général mes ressentis et par ailleurs, je ne m’expose pas à n’importe qui non plus.

D'ailleurs, tout le monde se compose son propre roman, en posant sa propre grille de lecture sur les actes de chacun. Demi-vérité teintée d’une subjectivité et d’un certain aveuglement choisi ou subi. Cette vérité-là n’est pas non plus la seule qui existe. Elle se confronte à tous les romans, écrits par les autres. Il y aurait de quoi déclencher des guerres !!!

Enfin, tout ce qu’on s’invente, n’est pas obligé de se transformer en croix pour nos descendants. Chacun cherche un sens à donner à son existence et à sa place dans le monde. Que ce sens soit véritable, peu importe au fond, pourvu que cela réponde au besoin profond de chacun de nous.


En lisant ce genre de roman, risqué, je me dis que je pantoufle un peu, en ce moment, à lire des sagas doudous, des romans jeunesse et de l’imaginaire. Il ne s’agirait pas de trop remuer toutes ces émotions tapies en moi, qui affleurent toujours bien trop vite et me submergent, tout en modifiant de manière salutaire mon rapport au monde.😅 Prendre le risque d’une trop grande franchise ? Non. Continuer de décrire ce que je ressens, en approfondissant toujours, oui. Et risquer quelques lectures aussi.



Commentaires

Les articles que vous avez le plus appréciés cette semaine