Le Supplément d'âme, de Matthieu Biasotto



Je choisis souvent un livre à sa couverture ; je sais, je sais : c’est TRÈS superficiel de ma part mais que voulez-vous ? La couverture est une fenêtre sur l’intrigue que je vais lire : elle m’en donne l’ambiance, les couleurs, le cadre, tous ces éléments qu’on touche à peine des yeux sans en être vraiment conscients. Cette couverture a été faite par l’auteur lui-même : elle présente de beaux bleus profonds ; la tête d’un personnage masculin qui hurle en contrejour. Et dans son dos, une silhouette féminine ? Bref, cette couverture m’a intriguée.

Le titre m’a aussi interpellée : le Supplément d’âme. Tout allait-il se passer à l’intérieur ? De quelle façon ?
J’ai donc demander à le lire sur Netgalley et Bragelonne a accepté.



Thomas Garnier a eu un accident. Depuis, il se trouve dans une sorte d’entre-deux, ni vivant, ni mort, mais pas très en forme. C’est le moment des questionnements. Surtout qu’il a perdu la mémoire. Qui est-il ? Que lui est-il vraiment arrivé ? Comment sa famille s’en sort-elle ?



Je n’ai vraiment accroché qu’après le premier quart du livre. En effet, beaucoup de ce que traverse Thomas, au moment où il découvre l’accident et sa situation actuelle, je l’ai déjà vu, ailleurs, sous différentes formes. Que Thomas ne percute pas tout de suite, je me dis que c’est assez réaliste : quelle personne, sous le choc d’un traumatisme, parviendrait tout de suite à comprendre ? Mais voilà, la lectrice que je suis a déjà compris ; la surprise, toute vraisemblable soit-elle, de Thomas n’en est pas une pour moi. J’y trouve des longueurs.
Et puis, j’ai d’abord été déçue par les circonstances de l’accident. Je m’attendais peut-être à une intrigue plus policière, avec des complots à grande échelle. Or Thomas a une vie assez ordinaire.



Quand je reprends ma lecture au quart, je m’aperçois que je ne peux plus lâcher le livre. Je veux en savoir plus sur Thomas, qui est quand même un personnage très paradoxal ! On l’aime bien, comme narrateur, mais comme être humain, il était très discutable... Mais son entourage est touchant : sa femme, son fils de huit ans, son meilleur ami, Yann. Par ailleurs, beaucoup de choses semblent s’être jouées durant sa vie, dans son dos ou parce qu’il les avait initiées. Son caractère et son comportement ont conduit à des réactions extrêmes et la situation dans la quelle il se trouve à présent amène son entourage à agir avec violence et impulsivité. On s’inquiète donc pour son état mais aussi pour son entourage, tout en s’interrogeant sur les différentes intrigues qui ont ponctué sa vie jusqu’à l’accident.
La construction de cet entre-deux dans lequel il se trouve pose aussi question : dans quel but Thomas y est-il prisonnier ? Pourquoi l’amène à suivre son entourage, revivre des éléments de son passé ?
Cependant, la situation dans laquelle il se trouve n’est pas une première pour moi : j’ai lu la Nostalgie de l’Ange que j’avais trouvé excellent, puis vu le très bon Lovely bones et je connais bien le Noël de M. Scrooge, visité par les fantômes du passé, du présent et de l’avenir. D’autres livres et films ont participé à ma culture du traitement de l’au-delà, du bilan de vie, tout ça. Je n’ai donc pas été surprise par la tournure que prenait cet entre-deux, même un peu déçue que ça n’ait pas été aussi approfondi et que les ressorts de cette partie de l’intrigue soient aussi convenus.
Quant aux autres mystères qui entourent la vie de Thomas, je dirais que l’écriture de Matthieu Biasotto est davantage, selon moi, tragique, que pleine de suspense. Plusieurs éléments placés ici et là nous font comprendre assez vite ce qui va se passer ou ce qui s’est passé. Si on « thrille », c’est parce qu’on redoute que ne soit réalisé ce qui a été annoncé. Pas de surprise chez moi en tout cas. C’est de là que vient aussi la vraisemblance psychologique. La vie ordinaire de Thomas, éclaircie par petites touches, est un élément qui détonne dans l’univers du thriller. Matthieu Biasotto semble vouloir nous faire frissonner en nous racontant une vie qui nous ressemble. Je trouve ce parti pris, au premier abord déstabilisant, mais au final très original.
D’ailleurs, plusieurs échos m’ont touchée, comme une leçon qu’on m’aurait donné, une mise en garde : maudit Thomas qui passe à côté de l’essentiel à cause de ce fichu téléphone ! Ne fais-je pas pareil par moments ? Pour ce que j’estime être une nécessité mais qui ne restera certainement pas dans ma mémoire ?
Je me pose la question de la fidélité à ses rêves d’enfant, qui est l’un des sujets majeurs, si ce n’est LE sujet majeur du livre. Je sais de quoi je rêvais, quand j’étais petite. Je ne l’ai pas encore réalisé mais je n’ai pas encore tout gâché. Bien sûr que s’il m’arrivait la même chose qu’à Thomas, j’aurais peut-être ce sentiment d’échec, mais voilà : je suis un fruit à maturation tardive ; si je n’ai pas encore donné, c’est parce que, comme Thomas, je devais d’abord surmonter une piètre image de mes talents avant de me lancer pour de bon.



En tout cas, le Supplément d’âme n’est pas un thriller plein de rebondissements et de retournements. On tourne les pages parce qu’on veut approfondir notre connaissance de la vie de Thomas, pas pour être surpris.




Commentaires

Les articles que vous avez le plus appréciés cette semaine