Le club des veuves qui aimaient la littérature érotique, de Balli Kaur Jaswal



Bah voilà : ce qui devait arriver, est arrivé. A trop attendre de faire une chronique sur un livre, j'ai du mal à lui à la rédiger. C'est ce qui arrive souvent quand j'aime beaucoup un roman, je ne sais pas bien comment lui rendre justice, alors je procrastine... Je me souviens bien que j'ai beaucoup aimé, mais les raisons se font petit à petit plus nébuleuses. Rassemblons un peu nos idées...

Plusieurs choses m'ont amenée à postuler pour ce livre des éditions Belfond, sur Netgalley : le titre d'abord (Evidemment !), tout à fait farfelu, la couverture, ensuite, à la fois élégante et exotique et les thèmes abordés : l’atelier d’écriture, la communauté indienne et les récits érotiques. J’ai donc tenté ma chance !



Nikki est une jeune indienne moderne qui vit et travaille à Londres. Après avoir arrêté ses études de droit, elle travaille dans un pub, sans bien savoir quoi faire d'autre. Quand, au temple, elle trouve une petite annonce réclamant une animatrice d'atelier d'écriture, elle y voit l'opportunité d'y mettre à profit sa créativité. 
Mais voilà, c'est sans compter le public concerné par l'atelier : des veuves indiennes, qui ne savent ni lire ni écrire... et qui semblent bien plus portées sur les récits érotiques, maintenant qu'elles ont fouillé dans les livres de Nikki et trouvé un petit ouvrage du genre...




En fait, ce roman est assez inclassable. En tout cas, pour moi. Je dois vous avouer que je n’ai jamais regardé de films de l’univers Bollywood. Je ne savais donc pas à quoi m’attendre.
Le club des veuves qui aimaient la littérature érotique mêle le récit de vie, en présentant plusieurs figures de femmes, à la romance et à l’enquête, voire au thriller : un mélange des genres auquel je ne suis pas habituée, mais qui est très raffraîchissant.



Balli Kaur Jaswal nous fait le portrait de différentes femmes, qui tentent de trouver leur place, chacune à sa façon, bien distincte. Nikki est une jeune indienne moderne, dont le pendjabi est un peu rouillé et qui entretient un lien assez extérieur avec les traditions et Southall, périphérie londonienne dans laquelle vit la communauté indienne. Sa sœur est plus traditionaliste : elle est restée soutenir leur mère après la mort de leur père et souhaite faire un mariage arrangé. Kulwinder, la femme qui a déposé l'annonce au temple, est une femme mariée, qui cherche à obtenir plus de pouvoir dans la communauté. L’atelier d’écriture qu’elle cherche à monter doit servir à cela, ainsi qu'à émanciper les femmes de Southall. Mais elle cache aussi un lourd passé, qui concerne sa fille Maya. Par ailleurs, comme beaucoup de femmes indiennes de Southall, bien qu’elle se trouve en Angleterre depuis des années, elle ne maîtrise pas l’Anglais, ce qui rend les interactions avec les Anglais compliquées. Les veuves qui assistent à l'atelier sont toutes habillées de blanc et exclues de la communauté, dans laquelle elles jouent cependant un rôle, puisqu'elles doivent conserver une certaine dignité en l’honneur de leurs défunts maris. Touchantes, elles respirent la solitude et l'ennui et on sent bien qu'elles aspirent à davantage s'exprimer.
Toutes ces femmes m’ont plu et donné envie d’en apprendre davantage à leur sujet, car le récit parvient tout à la fois à nous les présenter de l’extérieur, vues par les autres femmes de la communauté, comme les autres veuves, qui cancanent joyeusement, ou encore Nikki, qui s'est éloignée de la communauté en devenant une Londonienne d’adoption, mais aussi de l'intérieur : on suit ainsi beaucoup Nikki, mais aussi Kulwinder.



Le cours d’écriture est excellent : mis en branle par Kulwinder, il dépasse les espérances de cette dernière (donner plus de poids aux femmes de la communauté et les alphabétiser) au point de lui faire regretter sa décision d’offrir des cours aux femmes de la communauté. Il ne correspond pas non plus aux attentes de son animatrice, Nikki, qui pensait transcrire les récits de vie des veuves pour en faire un recueil.  Mais les veuves vont s’emparer de ce cours pour vraiment libérer leurs paroles et leur imagination. Et là, C'EST. GRAN.DIOSE : on a affaire à de vrais récits érotiques, qui vont jalonner le roman et laisser libre cours au fantasme. QUEL PLAISIR ! J'ai eu l'impression de lire un Harlequin d'il y a vingt ans, à la sauce indienne : à la fois osé dans ses propos, et testant sans cesse la limite des convenances.  Admirable expression d’une liberté que prennent ces indiennes dans la société qui les contraint !

J’ai vraiment beaucoup aimé cette immersion, inédite pour moi, dans la communauté indienne. J’ai appris beaucoup de choses sur les traditions, les moeurs, le lexique pendjabi et j'en ai profité pour jeter un œil à tenues traditionnelles chatoyantes sur Pinterest : un vrai régal pour les mirettes ! Les récits de vie nous montrent différentes formes d’arrangements avec la tradition indienne, la communauté assez fermée de Southall, et avec le milieu très européen de Londres. Les actions des protagonistes féministes, leurs attitudes dans certaines situations, leurs discussions et leurs récits proposent un portrait de la femme indienne, qui m’a intriguée et plu. En creux, se dessine aussi la société indienne, sur laquelle l’autrice semble porter un regard tout en nuances, ni trop idéaliste, ni trop sévère. 


Une lecture que je vous recommande chaudement ! Elle saura vous dépayser, vous montrer un Londres que peu de gens connaissent, vous immerger dans la culture indienne, vous faire rêver, fantasmer et frissonner !!



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