La Brigade des cauchemars
J’ai demandé La Brigade des cauchemars de Franck Thilliez et Yomgui Dumont, chez JungleFrissons, à la
Masse critique de Babelio, car j’aime la thématique du rêve et du cauchemar.
Générés par l’inconscient, ils sont une sorte d’écriture métaphorique des secrets cheminements de notre esprit ; ils sont à la fois l'énigme et la solution : je trouve cela stimulant.
D’après le résumé de l’éditeur,
une équipe constituée de deux adolescents, Esteban, amnésique depuis trois ans,
et Tristan, le fils handicapé d’un scientifique, le professeur Angus, entrent dans les rêves d’adolescents qui
souffrent de cauchemars récurrents et traumatisants. Guidés par la voix du
professeur, Esteban et Tristan cherchent à comprendre l’origine du rêve et à l’empêcher de
récidiver. Une promesse de fantastique : J’ADHERE.
Certains ajouteront que le
scénario est du génialissime Franck Thilliez, argument conséquent… Je n’en sais
rien, car je n’ai encore jamais lu les livres de cet auteur ! Je
sais, je sais : Vade retro satanas, et tutti quanti…😂
J’attaque la lecture de cette
bande dessinée en fin de soirée, lorsque la nuit est bel et bien tombée et que
je suis seule au fond de mon lit. Bref, je me mets dans l’ambiance...😏
Une demi-heure plus tard, j’en
ressors ravie.
La narration est parfaitement
maîtrisée. En quelques mots, en quelques traits de crayon, la situation est tout
de suite bien établie. C’est Esteban qui prend en charge le récit : rompu
aux voyages oniriques, il nous explique en quoi ils consistent, quelles en sont
les enjeux et les implications. On observe aussi une complicité touchante entre
les deux garçons, qui les place à l’égal de deux frères, tandis que les liens
qui les rattachent au professeur Angus, eux, semblent plutôt froids et
professionnels.
Quand ils entrent dans le rêve de
Sarah, une patiente de la clinique du sommeil où ils officient, un premier
mystère nous tient en haleine : quel est le problème de Sarah ? Que
signifie son rêve ? Comment associer entre eux les symboles dérangeants
qui parcourent son rêve pour créer du sens et savoir ce qui la tracasse ?
Fascinée, j’ai personnellement donné ma langue au chat, tandis qu’Esteban
démontrait, de son côté, de réelles capacités à interpréter les signaux de
l’inconscient.
Mais le mystère s’ajoute au
mystère, quand on comprend que Sarah n’est pas une parfaite inconnue, et que le
professeur Angus cache beaucoup de secrets et qu'il a des visées bien plus larges que le simple sauvetage
d’adolescents perturbés…
Le dessin se révèle d’une grande
efficacité narrative et crée le cadre idéal à l’intrigue assez sombre de la
bande dessinée, que je qualifierais volontiers de thriller psychologique et
fantastique graphique.
Il parvient ainsi à bien camper
chaque personnage : les grands yeux bleus d’Esteban le rendent tout à la
fois sympathique et peut-être un peu candide ; la haute silhouette
longiligne du professeur, son visage émacié et son nez pointu, ôtent à ce
dernier toute trace d’empathie et fait de lui un personnage dépourvu de
sentiments, intéressé, qui n’est pas sans rappeler le thème du savant fou, prêt
à n’importe quoi pour faire progresser la science, ou son propre intérêt.
Les bandes noires qui encadrent le rêve de Sarah nous invitent dans un endroit autre (La chambre noire ? Notre inconscient ?), mais
il rend aussi cet endroit effrayant et suffoquant, tout comme le scénario du
rêve de l’adolescente. Car, et c’est cela qui est à la fois le plus dérangeant
et le plus intéressant : outre la psychologie humaine, la mécanique du
rêve, Franck Thilliez évoque surtout l’adolescence, cet âge où on met fin à sa
candeur enfantine et où les parts d’ombre des adultes se révèlent.
Voici donc un premier tome
particulièrement redoutable, puisqu’il installe, avec une remarquable efficacité, les jalons d’un
premier épisode, tout en travaillant à créer un arc narratif, qui nous poussera
inévitablement à nous jeter comme des voraces sur les tomes suivants.
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