Lettres de Marcel Proust, enfance et adolescence
J’ai eu le plaisir de recevoir
cet audio-livre dans le cadre de Masse critique, régulièrement organisée par
Babelio et ses partenaires éditoriaux, pour le bonheur de ses fondus de
lecture.
La première remarque que je me
fais en commençant l’écoute des Lettres, c’est : Ah ! Quel
merveilleux choix que Guillaume Gallienne ! Que c’est judicieux !
Voilà en effet un acteur à la voix aussi grave que délicate, qui a très bien su
nous emporter, par ses mots, à travers sa propre recherche de soi, dans Les garçons et Guillaume à table ! Dans
le CD des éditions Thélème, le comédien s’empare ainsi des mots de Marcel
Proust pour les déballer et les déguster comme de précieux bonbons.
Grâce à sa voix et au choix des
lettres publiées, j’ai découvert la sensualité naissante d’un jeune homme qui
sait déjà analyser, avec la plus grande finesse, les sentiments qui l’animent.
Et bien que ce soit une succession de lettres sans réponses des destinataires,
une évolution apparaît : si l’une des premières lettres du jeune Marcel consistait
à demander à son grand-père de l’argent pour rembourser une expérience malheureuse
auprès d’une prostituée du commerce de laquelle il parle crûment (Il veut de l’argent
pour « baiser », dit-il sans ambages), s’ensuivent des lettres à
différents jeunes hommes dont le jeune écrivain en herbe s’adresse avec
infiniment plus de grâce et de délicatesse, parvenant difficilement à trouver
une place parmi eux alors que sa sexualité propre le pousse à les aimer, les
adorer, à les « coller », comme il le redoute lui-même, ne sachant
jamais quelles limites, entre ses désirs et les conventions sociales, il doit
respecter (N’oublions pas que la pédérastie était encore considérée par l’Organisation
Mondiale de la Santé comme une maladie mentalité jusqu’en 1990 !).
Parallèlement à cet
épanouissement des sens et des sentiments que Marcel Proust révèle avec une
grande franchise, on entend le jeune homme se frayer un passage, avec la
désinvolture et l’audace de sa jeunesse, dans le monde littéraire, auprès d’Anatole
France et de Robert de Montesquiou.
Même si j’ai vraiment apprécié d’entrer
dans le monde de Marcel Proust, par ses jeunes années, lors desquelles on
discerne déjà un style et une finesse psychologique bien affirmés, j’ai
plusieurs fois regretté que certaines indications biographiques ne soient pas
données. L’écoute est forcément fugace : les détails échappent rapidement
au profane qui, ne pouvant retourner de quelques pages pour relire l’information
disparue, se heurte à des interrogations dont il aimerait qu’on le sorte :
quel âge a donc Marcel dans sa toute première lettre ? Et dans la dernière de
ce CD ? A quoi correspondent les lieux d’où il écrit ? Qui sont ses
correspondants ? (Je ne connaissais pas, pour ma part, le poète Robert de
Montesquiou et j’ai mis du temps à extrapoler que les jeunes hommes auxquels
Marcel Proust écrit sont probablement des camarades de classes…) On touche, là,
aux limites de l’audio-livre, ou à sa perfectibilité. Il serait dommage de
donner l’impression qu’une édition visant une autre forme d’accessibilité aux œuvres
que les classiques volumes, est finalement réservée à une petite élite d’experts.
Une belle découverte, donc, de l’écriture
de Marcel Proust, avant qu’il ne devienne l’immense écrivain que l’on connaît,
une écriture mise en valeur avec talent par un interprète particulièrement bien
choisi pour une similarité de langue et peut-être, de vision, mais qui a pris
une dimension plutôt apéritive à cause du manque d’éclaircissements nécessaires
à une appropriation réelle du contexte dans lequel le jeune écrivain a
correspondu.
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