Ce que je fais, qui je suis et qui je deviens
Il paraîtrait que nos actes nous
définissent… Selon moi, c’est vrai dans un certain sens. Par exemple, les
autres se font une représentation de qui nous sommes à partir du comportement
que nous adoptons en leur présence. De même, selon la psychologie, certains
actes que nous commettons, nous surprennent nous-mêmes et comme il faut vivre
avec, nous modifions nos valeurs et notre vision de nous-mêmes pour nous y
adapter.
Cependant, je me révolte contre
l’idée que nos actions résument ce que nous sommes.
Quand j’étais adolescente, mes
parents ne cessaient pas de me reprocher mon inaction : je ne sortais pas,
ne voyais pas d’amis en-dehors de l’école, bref je ne faisais rien. A travers
leurs reproches, je comprends aujourd’hui qu’ils me confiaient en réalité leur
inquiétude que je ne devienne rien, que je en prenne pas en charge mon avenir.
A présent encore, certaines
réflexions reviennent au téléphone : « Vous êtes sortis, au
moins, avec le Chouchou ? ».
Alors, j’ai pris l’habitude de
dire que je ne fais rien de mes journées, quand je suis en week-end ou en
vacances. D’autres me font l’exposé de leurs sorties et de leurs voyages. Ils
sont allés là, ils ont vu ça, ils ont rencontré untel. Bien. Quand ils sortent
l’album photo virtuel, pour faire défiler les 121 clichés qu’ils ont pris de
leur périple, je lève les yeux au ciel. D’abord, parce jamais des photographies
ne parviendront à donner les dimensions réelles de l’endroit et son empreinte :
elles les réduisent à un cadre tellement étroit ! Ensuite, parce qu’ils me
disent ce qu’ils ont fait et où ils sont allés, alors que moi, je serais bien
plus intéressée par ce qu’ils ont vécu et surtout COMMENT ils l’ont vécu.
Racontez-moi comment ce voyage a changé votre vie, comment il a changé votre
vision des choses, comment il a remis en cause, ou confirmé, vos valeurs. En réalité, ce serait bien difficile de faire
un peu d’introspection, car le tourisme n’est pas toujours le lieu du voyage
intérieur ; il est souvent bien davantage l’occasion d’un étalage des
richesses, c’est-à-dire la vitrine d’une identité superficielle.
Quant à moi, je ne fais rien, en
tout cas rien qui se raconte et dont je puisse me vanter.
A Noël, dans un échange familial
des faits et gestes de chacun (J’habite loin de ma famille.), je me suis
surprise à dire à plusieurs reprises, comme pour faire du comique de
répétition : « Et sinon, je lis un livre en Anglais ! » C’est
bien triste, tout ça ? Eh bien, oui et non. Je me suis aperçue que
certaines choses, pourtant essentielles à ma vie, ne peuvent pas être partagées
avec ma famille.
Car, voyez-vous, je ne fais
pas ; je deviens.
De l’extérieur, j’ai une
existence tout à fait tranquille, routinière. A l’intérieur, je grandis, je me
développe, chaque minuscule expérience est l’occasion d’apprendre et de me
construire. Est-ce que ça se raconte, cela ? Pas dans une conversation
quotidienne, avec ma famille, ou des connaissances. Puis-je révéler à
brûle-pourpoint qu’une petite fille de mon âge m’a un jour apaisée, par quelques
paroles rassurantes, alors que j’étais complètement paniquée et que ce seul
acte de gentillesse, qui manquait à mon existence, a inconsciemment conditionné
ma vision de qui je souhaitais devenir ? Puis-je exposer, au petit
bonheur, les milliers d’idées et de pensées qui défilent et s’enroulent les
unes aux autres toute la journée, et une partie de la nuit ? Mettre au
jour mes interrogations, mes créations, qui je crée chaque jour, comment je me
remodèle, comment j’élargis ma compréhension des autres et du monde ? Tout
cela ne se dit pas.
Ma vie intérieure est tellement
plus riche et bouillonnante que ma vie extérieure. Parfois, elle me met en
extase, tant elle est vivante ; quand le moment est passé, je ne sais plus
bien où j’étais, comme si, oui, comme si ma vie intérieure était un endroit, un
bel endroit, nourrissant. Parfois, elle me suffoque, tant elle prend de la
place. Je pense même que je la réprime en partie pour continuer de satisfaire
au calendrier social…
Car, voyez-vous, je ne fais pas,
je deviens. Et cela, on ne l’expose pas au tout venant, au simple détour d’une
conversation.
Et je vais continuer ainsi ;
peut-être même vais-je m’y plonger davantage, parce que c’est ce qui me
pousse : mon étincelle de vie prend cette forme. Je laisserai aux autres
les exploits quotidiens.
Commentaires
Je te souhaite de continuer à être qui tu es, à devenir qui tu seras, à vivre et à apprécier chaque petits moments, où qu'ils soient vécus. L'endroit importe peu, le plaisir de partager, de vivre ces instants, seul ou avec d'autres, ça c'est la vie!