Pourquoi je me suis prise d'affection pour les films d'horreur...


La petite Mira a longtemps été impressionnée par les images, si bien que l’indication « Interdit au moins de 12 ans » s’est révélée valable pendant toute sa vingtaine... 😅 Car voyez-vous, quand vos cauchemars sont hantés par une créature au visage triangulaire, au torse transparent qui fait apparaître son cœur et, - frissons tout partout ! - dont le cou s’allonge (Pour les profanes, je parle d’E.T.), vous comprenez rapidement qu’il va falloir sacrément vous préserver les mirettes !


Une longue acclimatation, ainsi qu’une évolution des programmes TV vers plus de violence et de sexe, m’ont peu à peu permis de regarder ces films, puis de passer au niveau supérieur.



L’hiver de l’année dernière, j’ai ainsi regardé tout ce qui était visionnable sur CanalSat et Netflix, en matière de films d’horreur. C’était, je crois même, le seul genre de films dont j’avais besoin. Eh oui ! Quand on imagine une thérapie par les films, on ne s’imagine pas par ceux-là, pas vrai ? Et cependant, ce sont bien les films d’horreur qui me parlaient à ce moment-là. Mais alors, je dois avoir un esprit sérieusement dépravé ou bien être psychologiquement instable ? Nannnnnn... (Si ? 😳)

Une petite précision avant d’aller plus loin : je sélectionne tout de même les films d’horreur dont je vous parle. Bah oui ! Ces films sont vite classés « horreur », mais ils ont chacun un genre précis dont l’horreur ne serait, selon moi, qu’un registre, une manière d’exploiter le sujet et de créer des effets sur le spectateur. Ainsi, je dirais être davantage attirée par ce que je nommerais les thrillers fantastiques ou paranormaux. Le gore, les films de slashers, ne m’intéressent pas. Je ne regarde jamais un film d’horreur pour l’horreur qu’il véhicule. Je le regarde parce qu’il parle de l’être humain. Il en parle plus crûment, creuse parfois des sentiments profonds qu’on refoule, parce que pas très sains, pas très nets, pas très assumés. Je le regarde parce que c’est une bonne vieille métaphore des grandes questions existentielles. C’est sans doute pour cette dernière raison que j’ai autant vu de films de ce genre l’hiver dernier.

Les films d’horreur que j’aime ont donc des sujets bien spécifiques : la mort, la vie après la mort (fantômes, poltergeists, les cas de possession), la médiumnité, la sorcellerie, le vampirisme, les légendes celtiques...

S’ils sont bien faits, tous proposent, à travers leurs créatures, une certaine vision du monde et de l’humain

Par exemple, les fantômes et poltergeists nous parlent de notre fascination de la mort et de la difficulté que nous avons avec notre propre mort mais surtout avec la mort d’êtres chers.


Il y a quelques semaines, j'ai vu Poltergeist, excellent film, où les manifestations spectrales n’étaient pas qu’effrayantes. Avant que la crainte du fantôme frappeur ne soit intégrée, ce film nous montre l'intérêt qu'on peut porter à ce qu’on ne connait pas, quand on désire en savoir davantage, fasciné par le phénomène, curieux à ses risques et périls.


La sorcellerie permet d’évoquer des connaissances qui nous restent mystérieuses et nous font peur, du lynchage d’une figure marginalisée par la norme sociale mais aussi de traiter de la religion et de l’emprise qu’elle a sur les individus. 


The Witch en offre un excellent exemple : un puritanisme mené à l’extrême occasionne l'exclusion, des non-dits, des malentendus, des fantasmes et des hallucinations. La sorcellerie évoque aussi le statut de la femme, cette sorte de méfiance des hommes à l’égard de son pouvoir de séduction et au secret de la vie (et de la mort) qu’elle renferme en son ventre.


Un autre type de film nous parle de cette peur, que la société a de la femme : les films de créatures, comme Alien ou la Mutante.


La Mutante nous montre une vision particulière de la femme, une vision très masculine, à laquelle on adhère ou pas. Elle devient celle qui perpétue son espèce, obnubilée par son besoin d’enfanter, elle entraîne le chaos derrière elle, en tuant tous ses partenaires masculins.  

https://www.scifi-movies.com/fr/affiches/0001671/1/la-mutante-1995


Le vampirisme peut, quant à lui, mettre en évidence le désir et l’angoisse de la pénétration (Oui, c’est dit !), mais aussi l’emprise qu’un être peut avoir sur vous au point de vous assujettir, de faire de vous un autre. Par ailleurs, il questionne la mortalité et notre souhait secret de vivre très longtemps, à tout prix mais pour quel bénéfice ?



Récemment, j’ai vu Le Sanctuaire, qui aborde le mythe des fées et des changelings, également abordé de manière judicieuse dans un épisode de Outlanders : on y retrouve l’exposition de l’enfant malade et difforme dans les bois, ce désir des fées de materner et des êtres humains de se déculpabiliser d’abandonner leur enfant.


http://www.aucoeurdelhorreur.com/wp-content/uploads/2015/09/the-hallow-affiche.jpg 

Chaque figure des mythes est donc un moyen d’aborder une thématique propre à l’être humain. 

D'autres films d'horreur s'appuient davantage sur des phénomènes pour nous faire voir le monde autrement, ou nous alerter sur les risques que nous courons, comme les progrès scientifiques. Je pense que ce qui a ouvert la voie est le Frankenstein de Mary Shelley.

Splice s'inquiète ainsi des dérives scientifiques, qui consistent à sélectionner les gênes pour rendre l'humain plus résistant. A vouloir créer la perfection, on se retrouve à créer une horreur...


Hantise, quant à lui, critique les dérives des expérimentations psychologiques. Ici, une expérimentation amorale cherche à tester des candidats sur leurs peurs. Evidemment, ça tourne mal.


Mirrors soulève l’idée du point de vue. Je vois le monde et c’est la seule focale qui compte ; je l’impose aux autres. Je ne comprends d’ailleurs pas qu’on puisse penser autrement. Mais il y a un monde derrière le miroir ! Un autre point de vue, le point de vue d’un autre, s’offre à moi : il est différent, propose une distorsion du mien, donc il m’intrigue, en même temps qu’il me fait peur. Ce peut être aussi le monde du rêve, celui de l’inconscient, qui vient parfois se heurter à la grille que mon conscient a construite et reconstruit sans cesse pour expliquer le monde.



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Plus l’univers créé repose sur une mythologie bien construite et approfondie, plus le voyage est immersif.

Ensuite, les personnages jouent, selon moi, un rôle capital dans un bon film d’horreur. Fini, l’intérêt pour la belle fille qui sait juste s’égosiller au moment où elle se fait trucider. J’aime qu’une partie du suspense repose sur les personnages : leur perception particulière des choses, leurs secrets, leur passé.

Car ce qui m’intéresse en réalité, dans ces films, c’est que beaucoup parlent de résilience : il s’agit de comprendre ce qui pose problème, pourquoi la réalité est altérée, pourquoi le fantôme s’en prend à telle personne, pourquoi tels phénomènes ont lieu. La compréhension devient alors la clé du retour à la normale.

The Conjuring 1 et 2 sont un exemple parfait de ce que je veux dire. Une médium tâche de comprendre l’histoire des lieux hantés, en même temps que son intervention, auprès d’une famille, souligne les fragilités de cette dernière. Elle-même s’interroge sur son implication dans une telle entreprise. Les fenêtres d’interprétation se multiplient, faisant monter le suspense mais aussi la compréhension de la relativité.

 

Mama nous interroge sur la figure maternelle : la mère possessive, la mère sans enfant, la femme qui se retrouve mère sans l’avoir demandé, celle qui protège, celle qui écoute, celle qui doute, celle dont l'amour détruit, celle dont l'amour construit, la mère légitime, la belle-mère, la mère adoptive : à laquelle l’enfant pense-t-il devoir sa loyauté ? Quels conflits internes cela lui cause-t-il ? Pulsion de vie et pulsion de mort.



L’Orphelinat nous invite à voir la relation entre la mère et son fils comme imprégnée par les relations que la mère entretient avec son propre passé.



Le Cas 39Ne t’endors pas ou encore Silent Hill nous questionnent quant à eux sur l’enfant qu’on accueille ou qu’on adopte, qui, bien qu’attachant, renferme en lui une part destructrice, qui pourrait bien le détruire lui, ainsi que la famille qui l’accueille et qui n’est pas non plus dénuée de fragilités et d’écueils.


  




Voilà pourquoi je me suis prise d’affection pour les films d’horreur : leurs créatures et les phénomènes qu'ils mettent en jeu nous parlent de nous, mais à travers un prisme, qui met à distance et nous invitent à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.







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Chucky : que deviennent les amis qu’on délaisse ? Que fait mon enfant quand je ne le regarde pas ? Quelle part de lui m’échappe ? Dois-je m’en inquiéter ?




Don’t breathe ou ce à quoi peut nous pousser le désir de sortir de son milieu, quand on en vient à piller celui qu’on pense plus fragile pour s’en sortir.


It follows : chacun traine derrière soi des traumatismes et peut les transmettre aux autres.




Jennifer‘ s body, où le désir adolescent et la peur du corps féminin.


Misery sur les dérives du fanatisme, quand l’admiration aliène l’admirateur.



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Commentaires

voyageusedesmots a dit…
Quand j'ai lu que tu avais aussi un problème avec E.T je me suis sentie moins seule.
J'ai arrêté ma lecture. C'était l'essentiel.
Mira a dit…
Héhé ! Tant mieux ! Il faut que le monde sache que nous avons été INJUSTEMENT ET COMPLETEMENT traumatisées par l'ambiance trop réelle du film et par cette petite créature difforme... Nan, je plaisante...;-)
voyageusedesmots a dit…
Imagine qu'à 5ans Drew Barrymore a dû l'embrasser, la pauvre!
Nan be rigole et me contente des répliques cultes
Mira a dit…
Mais carrément ! La pauvre !!!

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