Never again, de Sarah Dessin


J’étais partie à lire Never Again de Sarah Dessen avec des préjugés. Je ne sais plus bien pourquoi, mais je me figurais un livre young adult à vous tirer les larmes (A la John Green ou plutôt à l’idée que je me fais des histoires de cet auteur, que je n’ai pas lues...😅) ou encore bien mièvre. Peut-être que la couverture a influencé ce sentiment : les couleurs douces, la boîte à bijoux avec sa petite danseuse en tutu... Bien sûr, les rouages sont sortis de la boîte et un outil est mis en évidence pour les remettre à leur place, afin de réparer la boîte mais cela, je ne m’en aperçois que maintenant que j’ai refermé le livre. Bien sûr la boîte à bijoux a une symbolique particulière, liée au secret et à l’estime de soi, mais cela aussi, je le devine seulement aujourd’hui.


Finalement, les premières pages me font penser que je vais bien aimer le roman : elles m’intriguent. Mieux ! Je m’identifie au personnage.




Sydney est une jeune fille qui se sent invisible (Saint Anything, dit le titre anglais), parce qu’elle a grandi auprès d’un frère solaire, qui subjugue son entourage. Quand il commence à tourner mal et à se faire arrêter, les parents de Sydney se trouvent accaparés par le problème « Peyton », au point d’en oublier Sydney. Et finalement, quand le drame a lieu, qu’après un temps de répit, Peyton commet l’irréparable (renverser un adolescent qui en restera paralysé), Sydney se met d’elle-même en arrière-plan et la vie de famille chavire.




Je ne suis pas du genre invisible ; parfois, je me trouve même trop visible à mon goût, exposée à la critique et aux jugements. Cependant, ma famille a un peu vécu ce moment de bascule dans le fait divers et mes parents se sont recentrés sur ma sœur. J’étais bien plus âgée que Sydney ; je l’ai mieux vécu qu’elle mais je comprends très bien ce sentiment de passer après, de ne plus avoir de place. Avec du recul, je me dis que ma sœur elle-même s’est retrouvée dans cette position, quand je suis entrée en prépa et que la transition s’est révélée difficile pour moi. Tous, nous pouvons nous sentir, un jour ou l’autre, mis de côté dans notre famille, parce que ses priorités immédiates sont ailleurs et qu’elle a besoin de toutes ses forces pour un seul de ses membres.



Par ailleurs, Sydney, comme Peyton, son frère, subit l’idée que ses parents se font d’elle : elle en est prisonnière et étouffe. A la juger à l’aune de son grand frère, ses parents commettent une erreur grossière, quoiqu’assez logique, du point de vue psychologique. Pourtant, Sydney est vraiment une chouette jeune fille : c’est une bonne amie et elle se montre obéissante envers ses parents, bien que leurs décisions lui semblent injustes. Je trouve que les réactions de la jeune fille mettent bien en exergue, par contraste, l’attitude des parents, qui se fourvoient beaucoup, dans ce contexte de crise.



Leur erreur de jugement ne s’arrête pas là. Ils laissent entrer un prédateur dans leur maison et lui accordent leur confiance. Ça aussi, j’ai connu. Et bien que j’aie beaucoup pesté contre Sydney, parce qu’elle n’en parlait pas, moi non plus, je n’ai rien dit. Si ses propres parents ne voient rien, est-on légitime dans ses ressentis ? Pire, on tait ces sentiments comme s’ils étaient tabous.



Heureusement, malgré tous ces obstacles, ce livre n’est pas larmoyant, ni mièvre. Au contraire, il expose les faits et nous montre comment ils s’imbriquent mais aussi comment on peut s’en sortir : c’est un livre sur la résilience. Ainsi, on comprend mieux ce qui pousse les gens à agir comme ils le font et cela pousse à ouvrir un peu la lucarne, à sortir de sa propre vision du monde pour embrasser d’autres points de vue.



La rencontre avec la famille Chatham est l’occasion pour Sydney de trouver enfin l’oreille qui lui manquait, de mettre ses sentiments à plat et de les faire évoluer. Elle avait perdu sa place dans sa famille, sans doute dans son lycée (quoique la narration passe rapidement sur ce point) et devait se sentir assez éloignée des préoccupations de ses amies (Là encore, ce n’est pas très développé.) En changeant de lycée et en rencontrant de nouvelles têtes, Sydney va trouver sa place, découvrir qui elle est et permettre à ses parents de le découvrir aussi.



Par ailleurs, l’intrigue est bien menée : le suspense grimpe au fil des pages et tous les fils se rejoignent au climax de fin, à la manière d’un bon thriller. Je n’imaginais pas cela possible dans un roman young adult, que je classerais plutôt parmi les drames.




C’est donc une très bonne surprise que m’a fait Lumen en m’envoyant ce roman qu’a priori j’aurais laissé de côté. J’ai découvert un young adult à la psychologie juste et rythmé comme un thriller.


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