Alma, de Cizia Zykë


J'ai choisi de lire Alma, après avoir lu le prologue et le premier chapitre. J'avais apprécié la truculence du style et la touche fantastique.


Dans l'Espagne du Moyen-Age d'Isabelle la Catholique, les esprits s'échauffent contre les Juifs du Royaume. Peu à peu, les choses se gâtent : il va falloir partir, se convertir ou mourir. Parmi eux, se trouve Alma, une adorable petite fille qui s'entretient avec Dieu. Que va-t-il advenir d'elle et de la communauté dans laquelle elle vit ?


Je finis par lire Alma en deux fois. D’abord les 80 premières pages, puis, quand cela commence à devenir difficile pour les juifs de la Judéria, j’arrête et reprends une dizaine de jours plus tard. Pourquoi ?

Un premier truc me chagrine. Avant l'histoire, Thierry Poncet s'exprime. Alma, ils l'ont écrit à quatre mains, avec Cizia Zykë. Mais ce dernier est mort avant qu'ils n'aient achevé l'ouvrage. Thierry Poncet s'est donc mis en devoir de finir l'histoire, en espérant se montrer à la auteur de Cizia Zykë. Mais alors, pourquoi ne pas avoir signé le livre, aussi ? Par volonté de transparence ? 

Mais revenons un peu au livre.

Il faut dire que le contraste est fort entre la narration bravache et l’histoire.
Le narrateur est un personnage de l’histoire qui s’adresse sans cesse aux lecteurs, les avertit, joue avec eux, se gausse à la manière du ménestrel qui entretenait l’attention de son public en l’interpellant tout le temps et en le guidant dans le cheminement de l’histoire. Il emporte, ce narrateur, fascine et attire ; sa narration est un bel emballage dans lequel les lecteurs se retrouvent captifs. Il joue avec les mots, comme au Moyen Âge, quand on tâtonnait encore pour parler Français : on inventait, on tournicotait les préfixes, les suffixes et peu à peu on précisait sa pensée.
L’histoire, quant à elle, est bien sombre. On nous raconte comment les Juifs d’une ville d’Espagne furent rejetés, pillés, bafoués par les chrétiens de la ville. Le narrateur prend soin de nous présenter tous les protagonistes, de raconter des épisodes de leur vie afin qu’on s’y attache, ou qu’on les déteste. Chaque personnage sert d’exemplum moral, à suivre ou à repousser, le tout pour l’édification morale du lecteur. Inévitablement, les personnages sombrent sous les coups de l’hypocrisie et de la méchanceté, au service d’une satire qui n’oublie pas, au passage, de faire quelques clins d’œil à l’époque actuelle, pas plus avancée. Et plus l’histoire chavire dans la violence, l’intolérance et la haine et plus le narrateur se fait discret, au point de se faire tout petit quand vient la fin. L’histoire doit prendre les devants et le narrateur disparaître, mais quelle tristesse !

En plus, j’ai envie de dire : Tout ça pour ça ??? Mais pourquoi, Dieu ? À quelle fin ? Pourquoi as-tu accepté, Alma ? Ton héroïsme se noie dans l’Histoire, oublié. Sert-il de leçon à quiconque ? Oui, à quelques-uns, seulement, quand j’espérais qu’un miracle aurait lieu ! C’pas juste.😓


Un roman dont le style et les partis pris de narration rappellent ceux des récits oraux du Moyen Âge. Le narrateur est amusant, parfois agaçant tant il taquine. Heureusement, car l’histoire est bien tristoune.


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