Les Quinze premières vies d'Harry August, de Claire North



A y est : je boucle Les Quinze premières vies d’Harry August. J’ai acquis ce volume pendant une promotion de Milady. Le pitch m’a séduite : une promesse de jeu avec le temps.



Harry August raconte sa vie aux lecteurs, ou plutôt ses vies. En effet, il s’aperçoit qu’il est un kalachakra, c’est-à-dire un être qui renaît systématiquement après sa mort, au même endroit, à la même date et dans les mêmes circonstances. Que faire de ça ? Comment vivre avec ça ? A quoi cela peut-il servir ? Bientôt, une question plus urgente se fait entendre : la fin du monde approche, et bien plus vite qu’elle ne le devrait. Après avoir cherché durant plusieurs vies à répondre à ces questions, une rencontre qu’il fera va l’amener à comprendre que le plus grand pouvoir des kalachakras est aussi celui qu’ils ne doivent jamais utiliser...


S’il y a une chose que je peux dire en refermant le livre, c’est que la narration est rondement menée, bien que la mythologie soit relativement complexe. En effet, Harry August nous raconte l’ensemble de ses 15 premières vies, mais dans le désordre. Presque chacune de ses vies correspond à un mystère à creuser, pour le lecteur. Eh bien, pas un instant, je n’ai été perdue. Je savais toujours de quelle vie il me parlait et sur quel mystère il me faisait pencher.

Assez vite, ou du moins, c’est le sentiment que j’ai à présent que j’ai fini le livre, l’initiation à l’immortalité, avec cette nécessaire adaptation à ces nouvelles conditions de vie et cette place particulière que représentent tout à la fois la mort, la naissance et l’enfance, laisse place à un affrontement entre deux Kalachakras, un affrontement fait de méfiance, de duplicité, de comédie et d’une longue patience, mais aussi, paradoxalement, d’une estime et d’une amitié mutuelles.

Le portrait d’un immortel se fait donc dans le creux de l’histoire. 
Une fois passé le nécessaire accommodement, le kalachakra doit faire avec beaucoup d’inconvénients : une seule vie devient rapidement insuffisante à servir des projets qui développent nécessairement une ambition à la mesure d’un kalachakra. La vie humaine classique, linéaire, finit par perdre une partie de sa valeur. 
Les sentiments humains s’affaiblissent avec le temps et deviennent peu à peu maîtrisables, le recul de plusieurs vies aidant. La mort et la souffrance signifient peu de choses au final, puisque l’une n’est pas fatale et que l’autre trouve un terme et est précédée de tant d’autres souffrances avant elles. 
Et l’ennui ! A plusieurs reprises, l’auteur accomplit des actions pour la seconde fois, se dissimule en revivant des moments de ses vies précédentes : comment pourrait-on accepter de ne plus être surpris ? De faire et refaire indéfiniment les choses ? Peut-être en ayant un but bien précis, peut-être dans sa confrontation à l’autre...
Que reste-t-il donc à l’être humain, dans ces conditions ? L’ambition du savoir ? Ses valeurs ? Même ces dernières sont grandement remises en cause. L’ambition toute pure alors ? L’ubris des anciens, l’orgueil des mortels qui disposent d’un peu plus que l’humanité et d’un peu moins que les dieux.

Beaucoup d’éléments reposent sur la lutte entre Harry August et son ennemi intime, une lutte qui rivalise d’ingéniosité, de duplicité et de patience. Cette relation paradoxale est intéressante, dans cette tension qui existe entre l’amour et la haine. Mais son évolution est courue d’avance. Elle repose sur ce qui fait gagner le prédateur sur la proie : la patience. Et c’est lonnnnng.

Il y a une forme de vraisemblance psychologique, dans ce roman de science-fiction : mettons l’hypothèse que l’homme ait une durée de vie illimitée, mais dans une portion restreinte de l’Histoire, que ferait-il ? Quelles seraient ses valeurs ? Ses pensées ? Son évolution ? Claire North nous offre une réponse crédible, intelligente, beaucoup plus humainement crédible qu’Highlander, où les immortels se jettent à la tête les uns des autres avec l’impatience de jeunes loups, plus crédible aussi que l’immortalité du vampire, qui absorbe la vitalité les autres pour continuer d’exister et meurt si on touche le cœur qui ne bat plus...

Mais voilà, cette crédibilité de traitement est aussi la faille du roman. Les calculs et l’érosion des sentiments ont un peu raison de l’attrait que pouvait revêtir la trajectoire de l’homme Harry August. Sa conception de la durée conduit également à des longueurs dans la narration. Harry August attend beaucoup ; le lecteur aussi, de fait.

Enfin, petites frustrations toutes personnelles : 
1. je n’ai rien compris à cette histoire de miroir quantique ! C’est quoi ? Un mythe scientifique ? Quel en est le principe ? 
2. Je ne dirais rien de l’autre frustration, car ce serait spoiler, mais bon, quoi !




Un roman à l’intrigue rondement menée, au sujet traité de manière crédible mais qui introduit une certaine fadeur et une certaine longueur à l’histoire.






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